Les Chansons De Bilitis - Pierre Louÿs

Les Chansons De Bilitis

By Pierre Louÿs

  • Release Date: 2016-02-04
  • Genre: Erotica

Description

Lesbos était alors le centre du monde. À mi-chemin, entre la belle Attique et la fastueuse Lydie, elle avait pour capitale une cité plus éclairée qu'Athênes et plus corrompue que Sardes: Mytilène, bâtie sur une presqu'île en vue des côtes d'Asie. La mer bleue entourait la ville. De la hauteur des temples on distinguait à l'horizon la ligne blanche d'Atarnée qui était le port de Pergame.
Les rues étroites et toujours encombrées par la foule resplendissaient d'étoffes bariolées, tuniques de pourpre et d'hyacinthe, cyclas de soies transparentes, bassaras traînantes dans la poussière des chaussures jaunes. Les femmes portaient aux oreilles de grands anneaux d'or enfilés de perles brutes, et aux bras des bracelets d'argent massif grossièrement ciselés en relief. Les hommes eux-mêmes avaient la chevelure brillante et parfumée d'huiles rares. Les chevilles des Grecques étaient nues dans le cliquetis des periscelis, larges serpents de métal clair qui tintaient sur les talons; celles des Asiatiques se mouvaient en des bottines molles et peintes. Par groupes, les passants stationnaient devant des boutiques tout en façade et où l'on ne vendait que l'étalage: tapis de couleurs sombres, housses brochées de fils d'or, bijoux d'ambre et d'ivoire, selon les quartiers. L'animation de Mytilène ne cessait pas avec le jour; il n'y avait pas d'heure si tardive, où l'on n'entendît, par les portes ouvertes, des sons joyeux d'instruments, des cris de femmes, et le bruit des danses. Pittakos même, qui voulait donner un peu d'ordre à cette perpétuelle débauche, fit une loi qui défendait aux joueuses de flûtes trop fatiguées de s'employer dans les festins nocturnes; mais cette loi ne fut jamais sévère.
Dans une société où les maris sont la nuit si occupés par le vin et les danseuses, les femmes devaient fatalement se rapprocher et trouver entre elles la consolation de leur solitude. De là vint qu'elles s'attendrirent à ces amours délicates, auxquelles l'antiquité donnait déjà leur nom, et qui entretiennent, quoi qu'en pensent les hommes, plus de passion vraie que de vicieuse recherche.

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